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8 questions pour définir sa stratégie d’expérience client omnicanale

Les compagnies qui se sont engagées dans les dernières années à créer des expériences clients simples et fluides ont vite réalisé qu’investir dans de nouveaux canaux ou de nouvelles technologies ne suffit pas à en assurer le succès. Ce n’est pas parce qu’on met en place une technologie qu’elle est adoptée. Pour se démarquer et orchestrer les parcours clients, les compagnies doivent repenser l’ensemble de l’écosystème par lequel elles interagissent avec leurs clients.  

Les enjeux sont nombreux. Le manque d’intégration des canaux, l’absence de «vision 360» des clients et la dépendance aux systèmes «legacy» en place ne sont pas les plus petits. Pour les surmonter, les fournisseurs de technologie offrent leurs conseils et leurs solutions à qui veut bien les écouter : multiplier les canaux, migrer vers le cloud, implanter un CRM, remplacer les systèmes «legacy», adopter l’intelligence artificielle… La liste est longue.

Le plus grand problème avec tous ces conseils, c’est qu’ils priorisent la technologie. La stratégie d’affaire se réduit alors simplement à choisir la technologie future et à planifier la prochaine implantation. C’est probablement un des plus gros pièges de toute transformation numérique.

Voici 8 questions à se poser pour éviter ce piège et remettre les priorités d’affaires et les clients au centre de vos programmes de changement.

1. Pourquoi les clients changent-ils de canal ?

Pour créer une expérience client simple et facile, développer le canal numérique est la voie toute tracée : le numérique permet une meilleure expérience client et en prime, une réduction des coûts grâce à des volumes d’appels plus faibles.

Or de nombreux programmes numériques échouent à remplir cette promesse. C’est souvent parce qu’on se pose les mauvaises questions. Parmi celles-ci, une question très fréquente est: « comment faire adopter le numérique par nos clients? »

De meilleures questions seraient plutôt :

  • Pourquoi les clients ne restent-ils pas sur les canaux numériques ?
  • Qu’est-ce que les clients cherchent vraiment à faire quand ils arrivent sur votre site web, quand ils commencent une conversation avec un bot ou qu’ils se connectent à l’espace client ?
  • Pourquoi n’arrivent-ils pas à atteindre leur objectif ?
  • Pourquoi est-ce qu’ils se résignent à appeler le centre d’appel ?


Posez-vous ces questions simples et vous découvrirez à tous les coups des mines d’opportunités inexploitées, autant pour améliorer les canaux existants que pour planifier les prochaines étapes de votre transformation. Allez au-delà des statistiques d’utilisation des canaux et écoutez vos clients. La plupart sont déjà sur vos canaux numériques avant de vous appeler. Partez à la découverte de ce qu’ils font et de leurs motivations, et vous trouverez de nouvelles façons de simplifier et de faciliter leur expérience.

2. Que veulent vraiment les clients ?

Les méthodes et les outils pour mieux écouter les clients sont connus et utilisés depuis longtemps:

  • Études de marché
  • Sondages clients
  • Groupes de discussion


Implanter une solution technologique implique toujours des compromis. Être au clair sur vos fonctionnalités doit vous permettre de faire des compromis de manière consciente.

L’efficacité de ces méthodes est maintenant remise en cause. Un de leurs détracteurs les plus célèbres est Steve Jobs lui-même :

« Vous ne pouvez pas demander aux clients ce qu’ils veulent et ensuite essayer de le leur donner. Au moment où vous l’aurez construit,
ils voudront autre chose. »

_ Steve Jobs

Pour résoudre ce dilemme, il est de bon de revenir à quelques vérités :  

  1. Pour qu’il soit adopté, un service doit répondre à un besoin.
  2. Ce besoin n’est pas toujours un besoin «utilitaire». Une voiture répond autant à un besoin de transport qu’un besoin de reconnaissance sociale.
  3. Comme client, nous ne savons pas toujours formuler ce dont nous avons besoin.
  4. Nous ne sommes pas toujours conscients des raisons qui motivent nos choix.
  5. Il nous arrive d’expliquer nos choix à priori.

Pour écouter ses clients, il faut aller au-delà de l’analyse quantitative des sondages ou des groupes de discussion.

Écouter ses clients, c’est un exercice d’empathie qui vise à trouver les réponses à des questions telles que :

  • Que vivent-ils?
  • En quoi croient-ils?
  • De quoi ont-ils besoin?
  • Que désirent-ils?
  • À quoi aspirent-ils?


Loin d’être facile, répondre à ces questions reste une étape cruciale pour identifier des opportunités de mieux répondre à leurs besoins et mettre le client au cœur des solutions que l’on construit pour eux. En les remettant au centre des préoccupations, il est plus facile de voir la technologie comme ce qu’elle ne doit jamais cesser d’être : un moyen pour réaliser un objectif donné. Il devient alors plus facile d’unifier les équipes et d’orienter les efforts vers un but commun : l’amélioration de l’expérience client.

3. Quelles sont les plus grandes frustrations des clients ? 

Y-a-t-il vraiment une meilleure façon d’améliorer l’expérience client que d’éviter les frustrations et les problèmes? L’impact des insatisfactions créés par des parcours client et des processus souvent organisés autour de contraintes internes est connu. Ce qui est moins connu est le fait que les clients ne se plaignent pas toujours, même quand l’expérience est loin d’être optimale.

Les clients s’adaptent souvent à ces façons de faire, jusqu’au jour où ils trouvent ailleurs des expériences nettement plus simples…

Mettez-vous à la place de vos clients – il n’y a rien de mieux que de vivre d’expérience soi-même! – et portez un regard critique sur l’expérience vécue:

  • Quels sont les principales sources de frustration?
  • Y-a-t-il des bris de parcours et quels sont-ils?
  • Comment réagissez-vous face à ces difficultés?

Certaines des plus grandes innovations proviennent de nouvelles solutions à des problèmes qui semblaient insolubles ou incontournables. Faire émerger cette solution passe avant tout par une compréhension intime des frustrations des clients.

4. Quels canaux et pour quels besoins ?

La plus grande tentation quand on cherche à créer la meilleure expérience client possible, c’est de déployer le plus de canaux possibles.

On veut tellement bien faire. On se dit: «quel que soit la préférence du client, il y trouvera son compte».  Cela part d’une bonne intention.

Sauf que parfois, trop c’est comme pas assez ! Offrir plus de choix et de canaux ne signifie pas forcément créer une meilleure expérience. En fait, cela peut être même contre-productif et créer de la confusion. C’est sans compter qu’avec le nombre de canaux, augmente aussi la complexité d’intégration et d’exécution dans les opérations.

Bref, quand il s’agit de choisir ses canaux, parfois «less is more» : un petit nombre de canaux bien conçus, intégrés et opérés impeccablement peut-être aussi voire plus efficace qu’un grand nombre de canaux non intégrés, ayant de la difficulté à échanger, et aux performances variables.

Voici quelques-unes des questions les plus importantes à se poser dans une stratégie omnicanale:

  1. Quels canaux déployer?
  2. Pour quelle utilisation?
  3. Comment travaillent-ils ensemble?
  4. Comment communiqueront-ils ensemble?


Répondre à ces questions en se fondant évidemment sur la compréhension des tâches à effectuer par les clients et leurs objectifs se révèle d’une grande puissance pour orienter les choix technologiques qui permettront de créer l’expérience souhaitée. 

5. Entre préférences client et efficacité, que choisir ?

Choisir les canaux les plus appropriés peut être plus compliqué qu’il n’y paraît. En effet, que faire si les intérêts des clients s’opposent à ceux de l’organisation? Par exemple, que faire si les clients aimeraient utiliser le SMS mais que cela entraîne des coûts trop importants pour l’organisation? Si on est vraiment orienté client, il faudrait répondre à leurs préférences, quel qu’en soit le prix. Cela semble rationnel. Mais alors que faire si on s’aperçoit que la résolution de son problème prend nettement moins de temps et aurait beaucoup plus de chance d’être résolu si le client parle avec un agent au téléphone?

Si on offre au client le canal de son choix, l’expérience risque d’être plus compliquée et prendre plus de temps. Mais si on offre la manière la plus simple et facile, on ne répond pas à ses préférences. Les situations de ce type sont monnaie courante. Et heureusement, nous avons les moyens de les résoudre.

L’expérience et des années de recherche en psychologie des clients montrent que la manière dont un client se souvient de son expérience dépend :

  1. De l’effort réel (i.e. : le nombre d’étapes, le nombre de clics, la complexité du processus).
  2. De sa perception de l’effort, qui dépend autant du résultat obtenu que de la manière dont il a été traité

D’une manière générale, bien qu’il y ait des exceptions, on favorise l’efficacité en guidant le client vers la solution la plus efficace (ex : « pour permettre le meilleur traitement de votre demande, veuillez…).

6. Comment allons-nous mesurer le succès ?

Démontrer les bénéfices des investissements est un des plus gros enjeux des initiatives d’expérience client. Estimer les coûts et les efforts requis n’est pas toujours facile mais reste faisable. Calculer les bénéfices est souvent une autre histoire.  

Pour des initiatives de plusieurs millions de dollar, il n’est pas rare de voir des «business case» avec des hypothèses à très haut niveau, sans réelle identification de la manière dont ces bénéfices seront réalisés. Certains CEOs se retrouvent à devoir faire un acte de foi : l’expérience client, on y croit ou on n’y croit pas!

Approuver un investissement de plusieurs millions de dollars sur un acte de foi ne devrait pas être une option. C’est un risque que personne ne devrait avoir à prendre. Ce n’est pas non plus rendre service à un programme d’expérience client.

Une des raisons d’échec de ces programmes CX est qu’ils ne sont pas toujours ancrés dans la réalité d’affaires. Ils semblent s’ajouter à tout ce que l’organisation a à faire, au lieu d’être la façon de remplir sa mission.  

Pour calculer les bénéfices d’une meilleure expérience client, commencez par vous poser quelques questions simples :

  • Combien de nouveaux clients avez-vous acquis dans la dernière période? Quelle est la valeur projetée de ces nouveaux clients?  
  • Combien de clients avez-vous perdus ou ne sont pas revenus dans la dernière période? Combien de revenus cela représente-t-il? Quelles en sont les raisons?
  • Quelle est la croissance nette des clients et des revenus?

En plus de vous amener des pistes très concrètes, les réponses à ces questions ont le don de susciter de la curiosité. Cette curiosité permet de mettre à jour les comportements des clients et de porter un nouveau regard sur la réalité d’affaires, identifiant de nouveaux enjeux et opportunités d’affaires. Le besoin pour des outils de compréhension comme les parcours clients et les persona émergent alors naturellement.

Et c’est tout aussi naturellement que se développe le tableau de bord qui permettra de mesurer le succès des programmes d’expérience client. Et avec eux, le besoin d’avoir des données plus intégrées sur les clients, leurs expériences et leurs comportements, bref les bases de la stratégie d’intelligence d’affaire, tout ça indépendamment des solutions technologiques.

7. Quelles sont les options ?

À grand renfort de marketing, le marché nous présente des technologies comme des solutions magiques à tous nos problèmes : CRMs paramétrables à l’infini, migration vers le cloud et système ne demandant aucun code («no-code»).

Ce sont des distractions.

Aucune de ces solutions ne sont mauvaises en soi. Mais elles ne sont simplement pas les premières décisions qui devraient être prises. En tant que leader d’affaire, il faut savoir résister aux sirènes et éviter de tomber amoureux d’une technologie donnée. Car aucune technologie n’est parfaite. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. Sa valeur se définit par sa plus ou moins grande capacité à réaliser la stratégie d’affaire, c’est-à-dire dans ce cas-ci à actualiser l’expérience client fluide et simple rêvée pour les clients.Il faut savoir être exigeant! Ne vous faites pas imposer de solutions sans poser de questions : 

  • Quels en sont les avantages?
  • Quels en sont les inconvénients?
  • Quelles sont les autres options? 

Récemment, Gartner a identifié 7 options disponibles pour une compagnie cherchant à moderniser ses systèmes «legacy», un défi que de nombreuses compagnies rencontrent. Ces options vont de l’encapsulation au remplacement pur et simple du système. Il va sans dire que ces 2 stratégies extrêmes ont des rapports coûts/bénéfices, des échéanciers et des risques très différents.
S’assurer de connaître les conséquences des choix que l’on fait, à court mais aussi à long terme, est d’une importance cruciale. Il faut toujours garder en tête que  même si on vise toujours à créer des systèmes modernes, les systèmes d’aujourd’hui sont les systèmes « legacy » de demain.

8. Comment limiter les risques ?

L’implantation des nouvelles technologies apportent son lot de nouveaux risques. Et ceux-ci ont pris de l’ampleur dans les dernières années : 

  • Brèches de sécurité,
  • Inconsistance des partenaires,
  • Manque de qualité des données,
  • Parcours clients déconnectés
  • Etc

Personne ne s’en vante publiquement, mais les projets technologiques ayant coûté des sommes considérables et dont les bénéfices restent difficiles à quantifier sont monnaies courantes. C’est sans compter ceux qui ont mené à plus de frustration des clients ou des employés, ont impacté négativement les revenus, ou qui sont remplacés après seulement quelques années d’utilisation. Ces projets coûtent des carrières; personne ne veut de ces projets-là.

En même temps, personne ne veut être en retard et manquer le bateau. Les changements dans les habitudes des clients sont déjà là et ne nous attendent pas. Répondre aux nouvelles attentes des clients est une question de pérennité à moyen et long terme, si ce n’est à court terme.

Innover ou mourir : est-ce vraiment le seul choix?

Une alternative consiste à faire des paris en limitant les conséquences si ceux-ci ne se révèlent pas gagnants.  Tester des idées et des solutions qui semblent prometteuses sur papier – ou sur l’écran des démos – par des preuves de concepts simples et limitées permettant de répondre à des questions telles que :

  • Les systèmes se connectent-ils?
  • Le contexte se transmet-il d’un canal à un autre?
  • La donnée est-elle préservée?

Une preuve de concept n’est généralement pas très chère à réaliser, mais elle contribuera certainement à réduire le risque d’une transformation, quel qu’en soit l’issue.

Conclusion: développer la synergie des équipes d’affaire et TI

La technologie n’est utile que si elle permet de rencontrer les principaux besoins des clients. Dans cet article, nous avons identifié 8 questions à se poser pour s’assurer de garder les programmes de transformation focalisés sur leur raison d’être : la création d’expérience client générant une plus grande loyauté des clients et assurant la croissance et la pérennité à long terme de l’organisation. Ces questions priorisent le raisonnement stratégique et la résolution des problèmes d’affaires.

Elles permettent de structurer et de faciliter le dialogue nécessaire entre les équipes d’affaires et les équipes TI. Car dans ces projets à forte saveur technologique, les équipes d’affaires ont un rôle et des responsabilités importantes à prendre, la définition d’une stratégie d’affaire claire n’étant pas la moindre; et en même temps, elles doivent laisser les équipes technologiques jouer leur rôle, en leur permettant d’innover.

Par Guillaume Delroeux

Guillaume est président et leader de pratiques en expérience client chez Prométhée consultants et aide les organisations ayant des centres de relations clients à tirer le meilleur parti de leurs technologies pour maximiser leur impact et créer des expériences client légendaires.